A Ouagadougou, le crépu n’effraie plus !
Lumen Media Group, 5 novembre 2018
« Attends je me peigne, il faut mettre mon afro en valeur ! » Sa chevelure crépue, Barakissa Fofana en est fière : elle la porte ainsi depuis dix ans maintenant. Dernier regard dans le miroir, énième coup de brosse et grand sourire. « Voilà ! » s’exclame-t-elle devant la glace de son petit salon de coiffure encombré de lotions et d’accessoires capillaires, à Saaba, un quartier périphérique de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. Bienvenue chez Black and Kpata (« noire et belle » en nouchi, l’argot ivoirien), où le cheveu crépu est roi. Pour Barakissa Fofana, pas question de lissage, de défrisage ou de fausses mèches. Elle se revendique nappy (contraction de « natural and happy », « naturelle et heureuse » en anglais), une tendance née au début des années 2000 aux Etats-Unis.
Cette Ivoirienne de 35 ans, coupe afro, tailleur noir et hauts talons orange, raconte son déclic : « Un jour, j’ai voulu me défriser, mais le produit dont je me suis servie m’a complètement brûlé le crâne. Après cet accident, j’ai commencé à faire des recherches sur le cheveu africain, comment l’entretenir et le soigner. » Elle a monté son salon, l’un des rares spécialisés dans le nappy à Ouagadougou, en 2015. « Beaucoup de femmes pensent qu’entretenir une chevelure crépue est compliqué et prend du temps, mais on peut s’amuser avec sans la détruire en utilisant des produits toxiques ! » prêche-t-elle, tout en concoctant un baume à base de beurre de karité, d’huile d’avocat et d’aloe vera.
Des produits à base d’acide et de soude
« Afro puff », « vanilles » (nattes torsadées) ou encore « dreads », les coiffures dites nappy, inspirées de styles traditionnels, s’affichent peu à peu dans les rues de la capitale. « Les Burkinabées sont de plus en plus créatives. Depuis quelques années, il y a une prise de conscience que certains produits peuvent être dangereux pour la santé », observe Mina Touré, styliste de 25 ans qui a lancé en 2015 le festival Nappy Days, où se mêlent conférences, ateliers et vente de cosmétiques.
Dans les boutiques de la ville, extensions capillaires et kits de défrisage pour adultes ou enfants trônent pourtant sur les étals à côté des crèmes éclaircissantes pour la peau. « Lissage soyeux », « cheveux plus longs » promettent ces lotions « miracles ». Problème : la plupart d’entre elles contiennent des composants dangereux, tels que de l’acide thioglycolique, également présent dans les crèmes dépilatoires, ou même de la soude caustique, utilisée pour briser les molécules de kératine et rendre la fibre raide. Une étude publiée en 2012 dans l’American Journal of Epidemiology par des chercheurs de l’université de Boston pointe d’ailleurs un possible lien entre l’emploi de produits défrisants, contenant des perturbateurs endocriniens, et l’apparition de fibromes utérins.
Source : Le Monde Afrique
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